Et voici le quatrième article de notre série « Paroles d’expat », découvrez l’expatriation de Stevens installé à Dundee.
Présentez-vous en quelques mots
Moi c’est Stevens. Avec un « s » à la fin, oui. C’est un prénom qui crée quelques confusions par ici, mais c’est aussi un bon moyen de briser la glace si tu n’aimes pas parler de la météo.
Je suis nantais d’origine et ai vécu sept ans à Paris avant de venir en Écosse. Je me suis installé à Paris pour mon Master d’Histoire de l’Art en travaillant parallèlement dans un théâtre. J’y étais le responsable de l’accueil du public tout en y réalisant également quelques missions de valorisation du patrimoine.
Fin 2019 j’ai finalement pris mon courage à deux mains et ai quitté le théâtre. J’ai passé les fêtes de fin d’année avec ma famille et me suis envolé pour l’Écosse le 2 janvier 2020. Après quelques jours de détente à Edinburgh, je suis monté dans un train pour Dundee, où je vis pour le moment.
Comment est né votre projet d’expatriation ?
J’ai plus ou moins toujours eu le désir de m’installer dans les îles de la Mer du Nord. Depuis au moins mes 15 ans avec certitudes. Pourtant, après de nombreux voyages, en Irlande notamment, je n’ai jamais sauté le pas et toujours trouvé une excuse pour justifier mes peurs.
Finalement, en 2017, j’ai enfin visité l’Écosse et, à l’issue de cette escapade, ai longuement hésité à ne juste pas rentrer. Je l’ai quand même fait mais me suis dès lors trouvé incapable d’arrêter de penser à l’Écosse. À partir de là mon désir était plutôt clair, mais la décision officielle a quand même pris du temps. Mon projet est véritablement le résultat d’un long rêve qui a creusé son chemin jusqu’à ce qu’il devienne inévitable.
Si je devais toutefois nommer des instants clefs qui n’ont fait que justifier mon choix, je soulignerais deux moments déterminants :
- Le Brexit se faisait de plus en plus réel et faisait grandir en moi la sensation que c’était ma dernière chance pour partir alors que « l’après » était totalement incertain. Cela m’a imposé une date limite où, si je ne partais pas, je n’avais plus que ma propre personne à blâmer.
- La réalisation de n’être à ma place ni Paris ni au théâtre où l’achèvement d’un projet de restauration de six ans a été accueilli comme le moment où j’allais « arrêter de faire chier » par le responsable pour qui j’avais le plus de respect.
Comment se sont déroulés les préparatifs ?
Les prépara-quoi ?
Honnêtement, ma seule vraie préparation a été de mettre le plus d’argent possible de côté avant mon départ. Le reste… je me suis, bien évidemment, renseigné sur les diverses démarches que j’aurais à effectuer mais sans vraiment plus d’inquiétudes. Le choix de Dundee a aussi été un peu fait au hasard.
J’ai été très chanceux aussi à mon arrivée, je suis arrivé le 6 à Dundee en ayant réservé un lit dans un dortoir pour deux semaine et le 9 j’avais déjà trouvé un appart. Ainsi qu’un colloc plutôt sympathique qui, la pandémie arrivée, m’a vraiment permis de ne pas m’éclater la tête contre un mur pour cause de solitude.
Côté boulot, ça été (et c’est toujours) un peu plus compliqué. J’étais aussi un peu rouillé en ce qui concerne la recherche d’emploi. Ça ne m’a pas empêché de décrocher plein d’entretiens ! La même semaine que le confinement a été décidé… Tout a été annulé du coup et bonjours les petits boulots éphémères ponctués d’inactivité.
Quelle a été la bonne surprise suite à votre installation en Ecosse ?
L’administration.
Vraiment. En tant que français, on est tellement habitué à sa lenteur et son efficacité contestable. Ici, tout a été si simple et rapide. Le NIN, l’inscription au GP ou encore l’obtention de mon pre-settled status. À chaque fois, j’étais un peu stressé espérant ne rien avoir oublié et au final, à chaque fois, ça s’est passé sans embrouilles. La seule fois où j’ai eu des soucis administratifs depuis mon arrivée, c’était avec la France !
Et puis les gens, forcément.
On est courant, on s’y attend, mais je crois qu’on ne se rend pas bien compte lorsqu’on vient seulement en tant que touriste à quel point les écossais sont accueillants. Plus que de la gentillesse, il y a en eux une authenticité à laquelle on n’est pas habitué. Parce qu’ils sont accueillants mais ils disent aussi ce qu’ils pensent, et s’ils ne t’aiment pas, tu le sais rapidement. Dans mon cas, après avoir travaillé pendant sept ans dans un théâtre, à Paris de surcroit, c’est le jour et la nuit et c’est assez rafraichissant.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) futur(e) expatrié(e) ?
De pouvoir prévoir l’avenir afin de ne pas s’expatrier juste au début d’une pandémie ?
Blague à part, la situation mondiale rend mon cas particulier, je pense. Tout le monde a plus ou moins la même réaction quant à mon expatriation : « t’as vraiment pas de chance, c’était pas le meilleur moment ! » En vrai, si j’étais resté en France, je serais dans la même situation. Alors oui, je galère un peu, mais la grande différence c’est que je suis à Dundee et pas à Paris. Ça change tout et je le confirme tous les matins quand je vois la Tay depuis la fenêtre de ma cuisine.
On ne peut pas tous prévoir, et admettons-le, je n’ai pas prévu grand-chose. J’ai aussi la chance d’avoir une famille qui me soutiens quand ça ne va vraiment pas, ce qui n’est pas forcément la chose que je suis le plus fier à avouer. À 33 ans, on préférerait être indépendant, mais c’est une chance dont je profite actuellement et que de nombreuses personnes ne peuvent pas bénéficier.
Malgré tout ça, s’expatrier, c’est prendre un risque et sortir de sa zone de confort. Ce n’est pas facile. Ce ne sera pas facile tous les jours. Les questionnements seront toujours là. Mon conseil ? Arrêter de se trouver des excuses !
On en trouve toujours et ça peut paraître très facile pour moi de dire ça : je suis célibataire et sans enfants. Je ne dis pas que les excuses qu’on se trouve ne sont pas valables, au contraire, c’est justement pour ça qu’elles nous bloquent. Mais au final, de tous les conseils qu’on peut recevoir, aucun ne va faire les choses pour nous. La langue, le travail, le logement : oui ça aide totalement si tu les as avant de partir, surtout si tu as un budget réduit. Et dans ce Royaume-Uni post-Brexit, ce sera probablement bien plus essentiel que lorsque je suis parti, mais c’est quand même sur ça que j’insisterai.
Les doutes, les angoisses, acceptez-les ; elles peuvent aussi être un moteur fantastique pour savoir ce que vous voulez et ne voulez pas, mais à un moment il faut sauter le pas. Ce n’est pas facile tous les jours, oui, mais même les jours où ça ne va vraiment pas, où je suis plein de doutes, je sais que ça pourrait être pire : je pourrais ne jamais être parti.
Vous pouvez suivre les aventures de Stevens (expatrié à Dundee) sur son compte Instagram.
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